Les méditations liturgiques de l'abbé Aloyse Schaff
L'abbé Aloyse Schaff est une figure bien connue dans la région.
Après y avoir enseigné la physique et la chimie, l'abbé Aloyse Schaff a dirigé à Bitche le collège Saint-Augustin de 1998 à 2001.
L'abbé nous propose ici une approche et un approfondissement spirituel des lectures des dimanches tout au long de l'année liturgique.
TO : temps ordinaire
18 JUIN 2023
Année A
"Là où vos talents et les besoins du monde se rencontrent, là se trouve votre vocation." (Aristote)
1. « Jésus, voyant les foules, eut pitié d’elles parce qu’elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger. » Cette expression nous touche, tant elle montre la proximité de Jésus avec les hommes de son temps. Elle en dit long sur sa sensibilité et sur le regard qu’il portait sur ceux qui étaient venus à lui. On le sait par bien des passages des évangiles, ceux qui venaient l’écouter étaient de condition modeste. Ils ne manquaient pourtant pas de cadres religieux, de culture religieuse, de pratique religieuse. Cependant ils se sentaient très éloignés de ce que la religion leur demandait, si peu considérés, parfois traités de pécheurs.
2. Et ce sont eux qui, les premiers, viennent à Jésus. Comme Matthieu et Zachée, ces collaborateurs des Romains ; comme cette pécheresse qui vient à ses pieds ou cette femme surprise en flagrant délit d’adultère. Comme beaucoup d’autres qui sentaient peser sur eux la réprobation du peuple des pratiquants, le jugement des chefs religieux, ceux qui devaient les guider. Parce qu’il leur parle de la tendresse de Dieu tendant les bras au fils prodigue comme un Père bien aimant. Parce qu’il touche les lépreux pour leur montrer avant toute guérison une marque de considération. Parce qu’il leur parlait comme s’ils étaient ses amis, ne faisant pas de différences entre ceux qui pratiquaient la religion et ceux qui s’en étaient éloignés. Pour leur dire que le Royaume de Dieu était aussi pour eux, que son Père était aussi leur Père.
3. Alors il appelle à lui Pierre, André, Jacques et tous les autres, qui étaient de ce monde-là, pour qu’ils disent ce qu’il disait, pour qu’ils fassent ce qu’il faisait. Comme l’écrit Jean dans sa première lettre : « Ce que nous avons vu et entendu nous l’annonçons. » Jésus ne leur propose pas d’aller porter une réponse miraculeuse à leurs souffrances, ni de recette de bonheur assuré mais d’aller vers les hommes pour dire la parole de réconfort de Dieu, pour accomplir les gestes de bienfaisance de Dieu. Oh, certes tous les malades de la terre ne seront pas guéris, toutes les détresses ne seront pas secourues. Mais tous verront venir à eux des hommes qui ne les auront pas condamnés pour leur montrer qu’ils ne sont pas oubliés, perdus, comme morts.
4. Nous sommes de ceux qui avons reçu d’eux, comme un don précieux, de nous mettre à la suite de Jésus. Par eux nous avons ses paroles dans notre cœur ; grâce à eux nous partageons notre admiration pour lui, notre foi en lui. Il faut continuer d’entendre ce que Jésus leur a dit et répondre de notre mieux à ses attentes.
* « Guérissez les malades », parce qu’il y a toujours des hommes, des femmes, des enfants qui ont besoin de soins, d’aide en recherche médicale et pour lesquelles nous pouvons apporter notre soutien, si modeste soit-il.
* « Ressuscitez les morts » nous ordonne-t-il, parce qu’il y a toujours des personnes qui sont oubliées, déconsidérées, comme mortes déjà et auxquelles nous pourrions donner plus de raison de joie de vivre.
* « Purifiez les lépreux », parce qu’il y toujours des personnes exclues, mises à distance comme intouchables et envers lesquelles nous pouvons montrer des signes de plus grande proximité.
* « Chassez les démons » parce qu’il y a toujours des personnes qui ont besoin d’être libérées de forces malfaisantes comme des sentiments de vengeance, de haine, de malfaisance.
Aujourd’hui comme hier, Jésus nous envoie comme des porteurs de la bienveillance, de la bienfaisance de Dieu. Seulement et simplement pour dire et faire ce qu’il a fait. Malgré nos insuffisances, notre pauvreté. « C’est par la faiblesse que se manifeste la puissance de Dieu » dira Paul.
Seigneur, donne-nous d’avoir plus à cœur que jamais l’envie de répondre à ton appel.
11 JUIN 2023
Le Saint Sacrement - Année A
"Si le prêtre comprenait ce que c'est que la Messe, il mourrait" (le curé d'Ars)
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Au temps de Jésus, dans le Temple de Jérusalem, existait un espace fermé appelé le Saint des Saints. Il ne contenait aucun meuble mais était censé contenir la présence invisible de Dieu. Le grand-prêtre n’y entrait qu’une fois par an, le jour du Grand Pardon, le Yom Kippour. Le Temple fut détruit en 70 et dès lors le croyant juif a intériorisé cette présence divine. Aujourd’hui nous célébrons la Fête-Dieu, la fête du St Sacrement, la fête du don que le Christ fait de sa personne, de sa présence sous les espèces du pain et du vin, à travers le temps et l’espace.
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« Prenez, ceci est mon corps….ceci est mon sang ». Nous les avons entendues tant de fois depuis que nous participons aux célébrations eucharistiques. Ne sont-elles pas devenues trop banales ? Elles demeurent bien mystérieuses à notre compréhension. L’hostie reste bien une association de farine et d’eau, le vin reste du vin après ces paroles qui, pour le croyant chrétien, réactualise celles de Jésus. Les théologiens ont essayé de donner une consistance raisonnée à ce changement en distinguant les apparences, celles du pain et du pain, et ce que voile ces apparences, c'est-à-dire à dire le corps et le sang du Seigneur. Mais cela ne se prouve pas. Il n’y a pas d’interprétation scientifique, rationnelle. Il n’y a que la foi : on croit en ces paroles parce que Jésus les as dites. Tout repose donc sur notre adhésion à lui, sur la confiance que nous avons mise en lui. Il n’y a rien à expliquer, rien à démontrer. Je crois parce qu’il l’a dit.
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On doit à Alphonse de Liguori, originaire de Naples, avocat dans sa jeunesse, le fondateur des Pères du Très Saint Rédempteur, prédicateur exceptionnel, les plus belles méditations sur la Présence Réelle dans un ouvrage intitulé « Les visites au St Sacrement », publié en 1722, et dès lors à des millions d’exemplaires, en plus de soixante-dix langues et toujours édité. Voici comment il comprend le pourquoi de la Présence Réelle du Seigneur : « Craignant que son absence ne fût une occasion de l’oublier, que fit-il sur le point de quitter la terre ? Il leur laissa pour mémorial ce Très Saint Sacrement où il réside lui-même ; il ne put souffrir qu’entre lui et nous, pour raviver perpétuellement son souvenir, il y eut un autre gage que lui-même ….Les païens se forgeaient des dieux à leur fantaisie mais ils ne purent jamais imaginer un Dieu épris d’amour pour eux comme notre Dieu l’est pour nous, un Dieu qui pour témoigner son amour, prodiguer les trésors de sa grâce, accomplit le prodige d’amour de se cacher dans une hostie et rester ainsi, nuit et jour, sur l’autel, leur perpétuel compagnon, comme s’il ne pouvait, semble-t-il, se séparer d’eux, même un instant. »
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Nos cathédrales, nos églises sont les lieux privilégiés de cette présence du Christ. Elles sont pourtant de plus en plus désertées par les chrétiens. L’auteur de la lettre aux Hébreux des années 70 en avait fait déjà le constat : « Ne désertons pas nos assemblée comme certains ont pris l’habitude, écrit-il, mais encourageons-nous ! ». Edith Stein, juive non croyante, professeur de philosophie reconnue, en recherche de la vérité, raconte : « Je suis entrée quelques minutes dans la cathédrale (de Francfort-sur-le-Main) et, tandis que je me tenais là dans un silence respectueux, une femme est entrée avec son sac à provision et s’est agenouillée sur un banc pour prier vite fait. Pour moi, c’était du jamais vu. Dans les synagogues et les temples protestants que j’avais fréquentés, on ne venait là que pour les services divins. Mais là, quelqu’un était en train d’interrompre ses tâches quotidiennes pour se livrer, dans une église déserte, à une sorte d’entretien intime. C’est quelque chose que je n’ai jamais plus oublier. »
Si nous l’avons perdu, reprenons le chemin de notre église. On y entendra autre chose que le récit ininterrompu par nos médias des violences, des meurtres, des guerres. Autre chose que des débats politiques sans fin. On y trouvera le silence et le retour sur soi, surtout lorsque des épreuves nous en font sortir pour retrouver plus de sérénité et de paix.
Seigneur tu nous vois battre la campagne et remplir nos jours mais sans bien savoir où nous allons.
Sans savoir que tu es là, invisible dans la lumière du jour dans l’attente que nous levions le regard vers toi.
Sans savoir qu’un trésor est à la porte de notre cœur qui pourtant ne s’ouvre pas.
Sans savoir que tu es le pain qui ne nous laisserait plus sur notre faim, notre eau qui ferait cesser notre soif.
Par grâce Seigneur fais-nous aller vers toi.
25 JUIN 2023
Année A
"Nul ne peut te léser si tu ne le veux point, car tu ne seras lésé que si tu juges qu'on te lèse."
(Epictète 50-130)
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« Ne craignez pas les hommes… », venons-nous d’entendre de la bouche de Jésus à ses disciples juste avant de les envoyer en mission. Il sait qu’ils ne seront pas accueillis à bras ouverts. Dès les débuts les disciples se virent traités d’hérétiques par leurs concitoyens juifs. Infréquentables, ils furent chassés des synagogues. Puis vint le temps des persécutions qui les firent se cacher dans des cimetières souterrains appelés catacombes. Dans de nombreux pays, aujourd’hui, la diffusion de l’évangile est interdite et les chrétiens sont persécutés à cause de leur foi. Sans aller aussi loin, il est vrai que, dans nos propres pays, on craint de se dire chrétien, par peur d’être traité de rétrograde. Une grandissante indifférence religieuse a envahi notre société. La pandémie mais aussi le flot des migrants ont fait naître d’autres peurs, la peur de l’autre, la peur de perdre son « identité » comme on le dit, comme on l’écrit. Peu chrétiennes, ces peurs-là ! Les disciples avaient fermé les portes du Cénacle par peur d’être arrêtés et condamnés. Ne sommes-nous pas en train de le faire ?
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Alors plus que jamais, en ces temps de crise, il nous faut entendre l’encouragement de Jésus : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ». Parce que l’âme est plus que le corps, l’attachement au Christ plus que notre peur paralysante de n’être pas comme tout le monde, de ne pas penser comme tout le monde. Plus que jamais nous devons prendre à la lettre ce que Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits ! » En 155, au proconsul qui demandait à l’évêque de Smyrne, Polycarpe, de sacrifier à l’empereur, il répondit : « Si tu t’imagines que je vais jurer par la fortune de César, comme tu dis, en feignant d’ignorer qui je suis, écoute-le donc une bonne fois : je suis chrétien. Voilà quatre-vingt-six ans que je le sers et il ne m’a fait aucun mal. Comment pourrais-je insulter mon roi et mon sauveur ? Si le christianisme t’intéresse, donne-toi un jour pour m’entendre ». Le proconsul ne lui pas donné un jour de plus.
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A l’évidence, les scandales dus au comportement de trop de ceux qui ont choisi Jésus pour guide sont de douloureux contre-témoignages et creusent des distances avec cette Eglise, voire même des rejets. Des tempêtes intérieures secouent sa barque. Ce n’est pas nouveau. L’histoire de l’Eglise du Moyen-Âge finissant, en particulier celle de ses plus hauts dignitaires à Rome ou auprès des princes régnants n’est pas glorieuse. Pourtant elle fut illuminée par François d’Assise, Bernard de Clervaux, Ignace de Loyola, Vincent de Paul et beaucoup d’autres qui merveilleusement en redressèrent des ruines. Si l’Eglise s’est montré souvent triomphante par le passé, aujourd’hui elle fait le chemin inverse, celui de l’humilité, comme en témoignent ses demandes de pardon pour des conduites contraires à l’esprit de l’Evangile. Si nous sommes de moins en moins nombreux, c’est un appel à être de plus en plus en plus présents. Plus que jamais nous devons répondre à l’invitation que le Christ adresse à ses disciples : « Soyez saints comme votre Père céleste est saint ». Y-a-t’il plus belle et plus haute oriflamme derrière laquelle il faut se ranger pour combattre en nous tout ce qui la déshonorerait ? Tout un programme de vie, bien conscient, comme le dit Philippe Néri, le saint de la joie, « de ne pas vouloir tout faire en un jour et on ne devient pas un saint en quatre jours, il faut avancer pas à pas. » Et d’ajouter, avec modestie et humour : « Seigneur, méfie-Toi de moi aujourd'hui. J'ai peur de Te trahir ! »
On admire tous les efforts conjugués pour relever la cathédrale de Paris de ses décombres. Seigneur, au lieu de nous affliger, repliés sur nos regrets, donne-nous un peu de la passion qui fut tienne, en paroles et en actes, pour proclamez au grand jour ce que tu nous dis au creux de l’oreille.
De l’espérance, malgré tout …
Un auteur italien du 14ème siècle, le florentin Boccace, raconte, dans un conte, les vains efforts d’un drapier chrétien parisien pour amener son ami juif à changer de religion. Ce dernier y mit finalement une condition. Aller à Rome voir si la manière de vivre du « vicaire général de Dieu sur terre » et de celle des cardinaux, étaient exemplaires. Son ami chrétien, bien conscient de ce que s’y passait, pensait avoir perdu la partie. Sa surprise fut grande lorsque son ami, de retour, lui dit qu’il allait se convertir parce qu’il avait compris que l’Esprit-Saint devait être présent pour rendre l’Eglise tous les jours plus florissantes, malgré la conduite de ceux qui, à Rome, la menaient à sa perte.
2 JUILLET 2023
Année A
"Celui qui ne prend pas sa croix n'est pas digne de moi. Qui vous accueille m'accueille."
(Mt 10, 37-42))
1. « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi. Celui qui aime sa fille ou son fils plus que moi n’est pas digne de moi… » La déclaration de Jésus est fracassante. Elle devient encore plus surprenante par ce qu’il ajoute : « Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité je vous le dis : non il ne perdra pas sa récompense. » Quel abîme entre ce seul verre d’eau fraîche donné à l’un des proches de Jésus et les liens du sang mis hors course. Jésus touche pourtant là aux plus plus profonds, ceux de la famille, qui font notre structure de base, nos sentiments les plus élevés sans lesquels notre vie quotidienne perd toute saveur. Il y a de quoi dissuader les bonnes volontés qui souhaiteraient s’engager mais sans devoir perdre leurs racines humaines, celles-là mêmes qu’a voulues le Créateur.
2. On observe pourtant que Jésus a toujours fait grande place à ces liens familiaux fondamentaux. Il a appelé à lui les enfants pour les bénir et proposer à ses disciples leur confiance comme exemple à suivre. N’a-t-il pas défendu avec force l’indissolubilité du mariage : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ? » Il a condamné ceux qui, sous prétexte de faire un don au Temple, négligeaient l’assistance à leurs parents. Et du haut de la croix, il confie sa mère à Jean. Son dernier commandement n’est-il pas : « Aimez-vous les uns les autres ? » Alors qu’a donc voulu nous dire Jésus ?
3. Un Africain inconnu raconte : « Sur un sentier raide et pierreux, j’ai rencontré une petite fille qui portait sur le dos son jeune frère. “Mon enfant”, lui dis-je, “tu portes un lourd fardeau”. Elle me regarda et dit : “Ce n’est pas un lourd fardeau, monsieur, c’est mon frère !” » Elle portait un autre regard que cet homme sur ce qu’elle faisait. Jésus nous invite ici à porter un regard plus loin que celui de nos yeux, notre cœur à plus aimable que nos proches, notre amour à plus éternel que nos regrets que l’on inscrit sur les plaques tombales pour ceux qui ne sont plus et que le temps effacera des mémoires. « Eternel est son Amour » clamait déjà un psalmiste louant les sentiments du Seigneur à l’égard de l’homme. En quelques mots très tranchés, Jésus veut nous rappeler qu’au-delà du temporel, il y a l’éternel, qu’au-delà du visible, il y a l’invisible qu’il est venu rendre visible. Par voie de conséquence, il nous demande un attachement sans limite. Il nous permettra de voir toutes choses autrement. Il ne faut pas lire l’Evangile à la manière d’un livre de recettes de cuisine, pour y trouver un art du mieux vivre, une assurance de bonheur éternel. La religion chrétienne n’est pas une religion du livre comme on l’a dit souvent. Elle est le lieu d’une rencontre qui propose un dépassement. « Aimez-vous les uns et les autres » a dit Jésus, mais « comme moi je vous ai aimés ». C’est donc lui qu’il faut approcher, qu’il faut regarder, qu’il faut imiter.
4. Ce « comme moi je vous ai aimés » demande à être creusé. Il ne peut certainement pas signifier « autant » que lui, tant son amour dépasse nos possibilités. Par contre on peut lui donner l’autre sens qu’il inclut, celui qui demande de le faire « à sa manière ». C’est là que le verre d’eau trouve peut-être sens. Donner un verre d’eau à qui a soif est déjà un geste d’humanité. Mais qu’elle soit fraîche dit davantage, dit un plus qui dépasse la simple réponse au besoin vital indispensable. L’hôte a répondu à une attente qui serait sienne s’il était à sa place : que cette eau soit fraîche. Se mettre à la place, Jésus l’avait déjà signifié à ses disciples dans sa règle d’or : « Faites aux autres ce que vous souhaitez qu’on fasse pour vous. » Il va bien plus loin que ce « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on fasse pour vous », déjà exprimé par les sages du passé. C’est un renversement du regard sur soi, un renversement du vouloir pour soi. Ce faisant, nous nous approcherons de « la manière de faire » de Jésus. Il s’est déjà mis à notre place en prenant notre condition humaine. Il n’a cessé de se mettre à la place des souffrants qu’il a guéris, de s’asseoir à la table des petits, de relever ceux que l’on avait jugés et condamnés. « A la manière de faire de Jésus », il faut nous appliquer !
Seigneur, aide-nous à écouter avant de parler, à entendre les attentes au lieu de proposer nos recettes.
Peux-tu simplement écouter ?
Quand je te demande d’écouter et que tu commences à me donner des conseils, tu n’as pas fait ce que je te demandais.
Quant je te demande de m’écouter et que tu commences à me dire pourquoi je ne devais pas ressentir cela, tu bafoues mes sentiments.
Quand je te demande de m’écouter et que tu sens que tu dois faire quelque chose pour résoudre mon problème, tu m’as fait défaut, aussi étrange que cela puisse paraître.
Ecoute…. Tout ce que je te demande, c’est que tu m’écoutes. Non que tu parles ou que tu fasses quelque chose ; je te demande uniquement de m’écouter.
Les conseils sont bon marché ; pour 2 euros j’aurai dans le même journal le courrier du cœur et l’horoscope.
Je peux agir par moi-même, je ne suis pas impuissant, peut-être un peu découragé ou hésitant, mais non impotent.
Quand tu fais quelque chose pour moi, que je peux et ai besoin de faire moi-même, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation.
Quand tu acceptes comme un simple fait ce que je ressens (peu importe la rationalité), je peux arrêter de te convaincre, et je peux essayer de commencer à comprendre ce qu’il y a derrière ces sentiments irrationnels. Lorsque c’est clair, les réponses deviennent évidentes et je n’ai plus besoin de conseils.
Les sentiments irrationnels deviennent intelligibles quand nous comprenons ce qu’il y a derrière.
Peut-être est-ce pour cela que la prière marche, parfois pour quelques personnes, car Dieu est muet. Il ou Elle ne donne pas de conseils. Il ou Elle n’essaie pas d’arranger les choses. Ils écoutent simplement et te laissent résoudre le problème toi-même.
Alors, s’il te plaît, écoute et entends-moi.
Et si tu veux parler, attends juste un instant et je t’écouterai.
Auteur anonyme (extrait de Shanti Project, manuel formation 1980)
9 JUILLET 2023
Année A
"Le Christ, c'est le radieux compagnon de mon enfance, de mon adolescence, et il est maintenatn et toujours le radieux compagnon de ma vie familiale et professionnelle" (Louis de Funès)
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Au début de sa vie publique, Jésus eut du succès. Les gens accoururent vers lui, les uns pour se faire guérir, les autres pour écouter ce nouveau prophète qui ne parlait pas comme les maîtres qu’ils avaient l’habitude d’entendre au Temple ou à la synagogue On voyait aussi en lui le futur libérateur des romains ; on chercha même à le faire roi. Les choses ont changé lorsque Jésus se mit à dire que son royaume n’était pas de ce monde, qu’il fallait se comporter en serviteur et non pas en maître, qu’il était plus important de venir en aide à ceux qui en avaient besoin plutôt que de respecter à la lettre les prescriptions religieuses. Beaucoup le quittèrent alors au point qu’un jour Jésus demanda à ses apôtres : « Et vous, voulez-vous aussi me quitter ? »
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Ce jour-là ils entendirent : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ». Ces tout-petits sont justement ses disciples, pas seulement les douze, mais aussi ceux qui continuaient à venir l’écouter, à le suivre. Petits, ils l’étaient déjà, parce que de condition modeste, simples pêcheurs du lac ou cultivateurs, artisans de ces petits villages, au loin des riches de Tibériade ou de Jérusalem, au loin des grands de leur monde. Mais ils étaient aussi considérés comme petits ceux auxquels on reprochait de ne pas être de fidèles observateurs de la loi mosaïque. Ceux aussi qu’on disait « impurs » du fait de leur métier, tels les bergers, les conducteurs d’ânes, les vendeurs itinérants, les tanneurs de peaux, pour n’en citer quelques uns. Tels aussi les handicapés, les aveugles, les pestiférés considérés comme des punis par Dieu pour des manquements à la Loi commis par eux ou même par leurs parents. Nous ne pouvons guère nous disculper si l’on pense à la manière dont ont été et sont encore considérés ceux qui ne partagent pas nos convictions religieuses. Il fut un temps pas si ancien où l’on ne priait pas pour les suicidés, les enfants morts sans baptême. Sans oublier les homosexuels mis au ban de la communauté depuis les temps bibliques, les avancées difficiles aujourd’hui pour les couples divorcés remariés. Puissions-nous ne jamais l’oublier !
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« Je suis doux et humble de cœur ». Certainement la parole la plus émouvante de toutes celles que les apôtres ont entendu ! Ce n’est plus un enseignement qu’ils entendent mais une confidence de ce qu’il ressent au fond de lui-même. Une confidence ne se fait pas à n’importe qui mais à ceux que l’on estime, à ceux en qui on met sa confiance. Ceux-là, ce jour-là, sont d’abord ceux qui l’ont suivi, mais aussi ceux qui le suivront. Donc nous. Il faut la recevoir à titre personnel, l’entendre dans son cœur. Si nous le faisons, la manière dont nous le regarderons changera de manière profonde notre attachement.
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Angèle de Foligno (1248-1309), de noble et riche ascendance, mariée à 21 ans, menait une vie très dissolue jusqu’au jour où, après une vision de François d’Assise, elle décide d’entrer dans le Tiers Ordre Franciscain. Elle raconte : « Une autre fois, c'était le quatrième jour de la semaine sainte, j'étais plongée dans une méditation sur la mort du Fils de Dieu, et je méditais avec douleur, et je m'efforçais de faire le vide dans mon âme, pour la saisir et la tenir tout entière recueillie dans la Passion et dans la mort du Fils de Dieu, et j'étais abîmée tout entière dans le désir de trouver la puissance de faire le vide, et de méditer plus efficacement. Alors cette parole me fut dite dans l'âme : « Ce n'est pas pour rire que je t'ai aimée. » Cette parole me porta dans l'âme un coup mortel, et je ne sais comment je ne mourus pas ; car mes yeux s'ouvrirent, et je vis dans la lumière de quelle vérité cette parole était vraie. Et alors mon amour à moi, mon amour pour lui, m'apparut comme une mauvaise plaisanterie, comme un mensonge abominable. Ici ma douleur devint intolérable, et je m'attendis à mourir sur place. »
Un cœur gros comme ça
Dieu dit :
« Pour toi je ferai tout, je ferai n’importe quoi.
Ceux que je recherche, ce ne sont pas ceux qui, dans la vie, ont tout réussi,
Ceux qui se savent meilleurs que les autres et qui ont déjà une auréole…
Ceux-là, tu le sais, n’ont rien à craindre,
Surtout, ils n’ont rien à perdre, puisqu’ils ont tout gagné. »
Dieu dit encore :
« Vraiment, ce qui me prend au cœur,
Ceux auxquels je tiens par-dessus tout,
Ce sont justement des gens comme toi peut-être,
Pas tout à fait comme les autres,
Ceux que l’on montre du doigt aussi
Parce qu’ils sont de « couleur », parce qu’ils ont un accent,
Ceux qui prennent des chemins de traverse….
Ce sont eux que je cherche,
L’étranger, l’exclu, le pécheur…
Pour eux, je crois que je laisserai tout. »
Entre nous, c’est vrai que, parfois, Dieu perd la tête
Après tout qu’est-ce que ça peut faire, puisqu’il a tellement de cœur !
Dans le pire des hommes, Dieu trouve toujours quelque chose de bon.
(Robert Riber )
16 JUILLET 2023
Année A
"Il faut conquérir par l'amour le droit de donner" (St Vincent de Paul)
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Il est loin le temps où l’on pouvait voir le semeur parcourir son champ en des allers et retours régulièrement espacés, lançant les grains portés dans un sac placé en bandoulière devant lui. Marchant d’un pas égal, il a comme premier souci de répéter la même largeur de geste, le même contrôle de la main pour que la semence de froment couvre régulièrement le sol tout nouvellement préparé. Et notre semeur prenait bien garde de ne pas envoyer trop de grains dans les ronces ou sur les chemins pierreux. Image perdue de nos jours mais familière à ces foules des campagnes de Galilée. Il faut admirer la pédagogie de Jésus qui utilise les observations les plus courantes des hommes de la terre pour dire quelque chose d’en haut, quelque chose du royaume de Dieu.
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Le semeur sortit pour semer. Trois mots pleins de sens. Les disciples ont vite compris que le semeur, celui qui « sortit ce jour-là pour semer », c'était lui, Jésus. Il le leur avait dit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme. » Il "sortit". Le terme est important. Alors que les sages d'Israël, les docteurs de la Loi, faisaient école et qu'il fallait aller vers eux, Jésus, lui, "sortit". On le verra et on l’entendra sur collines de Galilée comme dans les parvis du Temple, sur les places publiques comme dans les synagogues, en terre d’Israël comme terre étrangère, en Samarie et dans les pays de Tyr, de Sidon et au-delà du Jourdain. Pour rencontrer et s’adresser à tous, sans distinction de nationalité, de classe, de fortune, de pratique religieuse. Jésus sèmera à "sous tous les vents", à "tout va", en paroles et en actes, quel que soit l’accueil qu’on lui ferait.
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L’interprétation allégorique qui suit ne doit nous égarer. La parabole n'est pas d'abord celle du terrain mais de la Parole semée. Elle est une réponse à la question des disciples : pourquoi tant d'oppositions et si peu de succès ? Pourquoi celui que Jean appellera le Verbe, la Parole, ne fut-il pas reçu comme tel, comme l'avait annoncé le prophète Isaïe dans la première lecture : « Ainsi ma parole, dit le Seigneur, ne reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission ». A ses disciples soucieux de résultats, inquiets devant le peu de réussite de la prédication de leur maître, il leur est répondu que, quel que soit le terrain, quel que soit l’accueil qu’on lui fera, le grain semé finira par trouver la bonne terre qui donnera du fruit. La parabole confirme celle du levain qui fait lever irrestiblement la pâte, celle du minuscule grain de sénevé qui fournira un abri aux oiseaux. L’ivraie n’empêchera pas la récolte. Le temps de l'ensemencemen n'est pas celui de la moisson. Tel est le message donné à ses disciples avant de les envoyer en mission et à tous ceux qui les imiteront. Le grain doit d'abord être semé et l'Evangile proclamée. « On ne cache pas une lumière sous le boisseau. Elle doit être mise sur le lampadaire. »
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Cette parabole est un appel à notre attention et un message d’espérance adressé à chacun d’entre nous. L’infertilité du chemin, du sol pierreux, l’envahissement des ronces sont autant d’images que Jésus nous présente pour illustrer notre dureté de cœur, notre indifférence spirituelle, le submergement de nos occupations. Ne cherchons pas ailleurs, autour de nous. Le Seigneur ne le fait pas pour nous condamner mais pour nous rendre attentif et nous faire mettre à sa disposition cette bonne terre qui qu’il puisse la rendre fertile. Notre champ aussi est ensemencée d’ivraie et nous savons bien qu’elle continuera à s’y faire une place tant que nous vivrons. Thérèse de Lisieux disait en sa prime jeunesse qu’elle voulait être une sainte mais comprit plus tard qu’il n’y avait qu’un chemin, la « petite voie ». Elle écrit : « Les directeurs (de conscience) font avancer dans la perfection en faisant faire un grand nombre d’actes de vertu et ils ont raison, mais mon directeur qui est Jésus ne m’apprend pas à compter mes actes ; il m’enseigne à tout faire par amour…. Cela se fait dans la paix, dans l’abandon, c’est Jésus qui fait tout et moi rien. »
Seigneur, Tu passes et sèmes à tout vent,
L’amour qui en ton cœur est si brûlant
Comme une semence à faire germer
Dans la terre des hommes tant crevassée.
Mais nous sommes trop occupés, accaparés,
Et dans les ronces de nos affaires si empêtrés,
Au point de ne plus savoir discerner
Ce qui donne au bonheur son éternité.
Donne-moi Seigneur d’accueillir avec piété
En mon âme comme en un jardin bien préparé
Ce grain merveilleux dont tu veux l’ensemencer
Qui me donnera d’être à jamais en toi enraciné.
DIMANCHE 23 JUILLET 2023
Année A
"Fais toi mendiant de la patience"
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Dimanche dernier, Jésus se présentait comme le semeur du Royaume. Il disait, en sa personne et en son agir, l’extraordinaire libéralité de son Père, en même temps que l’assurance du succès de la Parole malgré l’infertilité des sols ou l’inadvertance du semeur. Aujourd’hui, le semeur revient sur le sillon pour voir le blé en herbe s’élever vers la moisson mais aussi, l’ivraie, qu’on appelait zizanie au temps de Jésus.
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La parabole part d’un premier constat : le mal et le bien coexistent dans le monde des hommes aussi bien que dans le cœur de chacun. Depuis que Caïn tua son frère Abel. Aujourd’hui, il ne se passe pas un jour, il ne se passe pas une heure, il ne se passe pas une minute sans que des milliers de personnes de toutes conditions, dans le monde entier, n’aient à subir des violences, des tortures, des souffrances de multiples origines, pour de multiples prétextes. Aussi bien entre pays, entre ethnies, entre religions que dans les familles. Plus scandaleusement encore, de la part des hommes d’Eglise. Mais nous voyons aussi que les hommes sont capables de grands actes de générosité. Jamais on n’a vu autant d’organismes d’aide et de soutien tenter de les combattre. Médecins du monde ou sans frontières, Caritas, ATD Quart, Amnesty et tant d’autres pour les causes internationales. Mais d’autres aussi dans la proximité de notre entourage comme Restos du cœur, Aide aux handicapés, Guides de chiens d’aveugle. En France, on évalue à 9 milliards les sommes versées par 48% des français.
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La parabole pointe d’abord la patience de Dieu. Elle laisse la porte ouverte au fils prodigue parti au loin dépenser le bien reçu sans considération pour celui qui l’en avait comblé. Elle refuse la violence, comme ce feu du ciel que les disciples voulaient que Jésus fasse tomber sur ces samaritains qui leur refusèrent l’hospitalité. Elle est à l’image de ce grain de moutarde qui a besoin de temps pour devenir la plus grande des plantes potagères et un abri pour les oiseaux. Elle est à l'image du levain enfoui dans la pâte. La patience de Dieu dit aussi la grandeur dont il revêtit l’homme en lui laissant la liberté du choix de comportements.
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Pour autant, la patience de Dieu n’est pas attente que les choses changent d’elles-mêmes. Elle marche à la rencontre des hommes. Elle s’est donnée à voir en Jésus sur sa route missionnaire. Il va vers Zachée qui se sentait rejeté par tous ses concitoyens. Elle est encore dans la hâte inquiète de ce berger parti à la recherche de la brebis perdue. Elle habite ce maître de banquet envoyant ses serviteurs aux carrefours de la ville appeler les invités à la noce de son fils : « Venez la fête prête ». Autant d’images qui nous montrent à l’évidence que cette patience de Dieu est toute entière dans l’agir ce Fils bien-aimé envoyé pour chercher l’homme. Pour qu’à notre tour nous la portions à l’autre. « La patience est le temps qui laisse advenir le temps de l’autre, et qui réalise une rencontre entre le temps et l’éternité. » (Michel Geoffroy).
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Il ne nous est pas difficile de reconnaître que l’ivraie indésirable pousse aussi dans notre champ et que pouvons nous-mêmes être porteurs de zizanie pour ceux qui nous entourent. Nous sommes si influençables, si mal informés de leur secrète histoire. « Ne vous posez pas en juge, dit Jésus, afin de n’être pas jugés ; car c’est de la façon dont vous jugez qu’on vous jugera, et c’est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure pour vous. » François de Sales le disait à sa manière : « Il faut fleurir là où Dieu nous a semés. Ne semez point vos désirs sur le jardin d’autrui, cultivez seulement bien le vôtre. »
Dans l’attente que ta miséricorde sépare en nous, quand tu le voudras, comme tu le voudras, le bon grain de l’ivraie, le bien du mal, Seigneur, apprends-nous les chemins de patience dont nous avons tant besoin pour te ressembler, dont nous avons encore plus besoin pour nous rapprocher les uns des autres.
DIMANCHE 30 JUILLET 2023
Année A
"Le Christ ne se démontre pas, il se rayonne" (Gilbert Cesbron)
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Au fil des dimanches l’évangile nous donne d’accompagner Jésus un bout de chemin avec ses disciples, son passage dans un petit village, une de ses pauses au bord de la mer de Galilée. Il nous est donné ainsi de le suivre à travers les paysages et les travaux des champs de Palestine qu’il prend si souvent comme points de départ de ses instructions. Ici, il y a ce figuier qui se dessèche, là, ce champ de céréales en train de mûrir, ailleurs, cette vigne à vendanger, ce lac aussi et ses tempêtes. Il s’agit souvent de l’ordinaire des jours de ses habitants, de leurs préoccupations et de leurs soucis à eux, paysans de la terre, pêcheurs du lac, bergers des collines. Leurs rêves aussi, et leurs espérances les plus folles comme celle de gagner le gros lot en trouvant un trésor qui changerait toute leur vie. Plus d’un en rêve toujours aujourd’hui ! Images de la terre, images des hommes qui deviennent dans sa bouche paraboles, paroles d’ailleurs, fenêtres entrouvertes sur un autre monde.
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Il a dû se réjouir cet homme d’avoir pu se procurer ce trésor, comme ce bijoutier, la perle fine. D’être plus riches a fait leur bonheur. Jésus, là encore, part d’une observation de ce qui se passait autour de lui et qui est toujours d’actualité. Pourtant, à ce jeune homme riche qui demanda un jour comment avoir la vie éternelle après avoir observé tous les commandements de sa religion, Jésus répond : « Va, vends tous tes biens et suis-moi ». Jésus a traité d’insensé ce riche propriétaire qui se disait assuré de vivre de beaux jours sans penser que la nuit même on lui redemanderait sa vie. En ces paraboles, Jésus veut nous amener à regarder plus loin, plus haut, vers ce qu’il appelle le Royaume des Cieux, un royaume riche d’autres valeurs, d’autres trésors que ceux que les hommes recherchent. Mais pour les posséder, il faut accepter se défaire de celles que nous avons choisi. Il faut rejeter à la mer les poissons sans valeur. Ils seront « heureux », ceux qui auront fait ce choix comme il le proclama un jour sur une colline de Judée.
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Le célère prédicateur Lacordaire eut cette parole lumineuse : « Vous voulez être heureux un instant ? Vengez-vous ! Vous voulez être heureux toujours ? Pardonnez ! » Nous savons bien que la vengeance n’engendre pas la paix. Bien au contraire. Vous connaissez certainement l’émission « Le bonheur est dans le pré ». Elle a imaginé de mettre en relation deux personnes en vue de partager la difficile condition de la culture des champs. Mais celle qui est en recherche d’un mieux vivre doit aller dans le « pré » de l’autre si elle veut trouver ce qu’elle cherche. Modeste analogie avec notre chercheur de trésor. Mais invitation pressante à sortir de chez soi, à abandonner celles de nos manières de penser et d’agir qui nous enferment sur nous-mêmes. Jésus est notre trésor caché.
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Il s’appelait Jacques Lusseyrand, ce garçon qui perdit ses deux yeux lors d’une chute à l’école à l’âge de 8 ans. Ce qui ne l’empêchât d’entreprendre des études, de s’engager dans la résistance. Déporté à Dachau, il en revint. Il écrivit, dans un livre intitulé « Et la lumière fut » : « Je bénis chaque jour le ciel de m’avoir rendu aveugle alors que j’étais enfant…. Je sais que depuis ce jour-là je n’ai jamais été malheureux…. Et c’était ce miracle permanent de la guérison que j’entendais, totalement exprimé, dans le Notre Père que je récitais le soir avant de m’endormir. Je n’avais pas peur. D’autres diraient : j’avais la foi. Et comment ne l’aurais-je pas eue en présence de cette merveille à chaque seconde renouvelée : tous les sons, toutes les odeurs, toutes les formes, dans mon esprit, ne cessaient de se transformer en lumière, et la lumière en couleurs, métamorphosant ma cécité en un kaléidoscope. J’étais entré sans aucun doute dans un monde nouveau. » En de multiples conférences l’aveugle qu’il est resté en porta témoignage. Seigneur, tu as dit un jour : « Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». Aide-moi à trouver en toi ce trésor qui n’a pas de prix.
D’un soldat inconnu de la guerre de Sécession
J’ai demandé à Dieu la force de commander
Et il m’a donné la faiblesse qui aide à obéir.
J’ai demandé la santé pour faire de grandes choses,
J’ai reçu l’infirmité pour en faire de bonnes.
J’ai demandé la richesse pour être heureux,
J’ai reçu la pauvreté pour être sage.
J’ai demandé le pouvoir pour être reconnu des hommes,
J’ai reçu l’humilité qui rend Dieu nécessaire.
J’ai demandé toutes choses pour embellir ma vie,
J’ai reçu la vie pour embellir toutes choses.
DIMANCHE 06 AOÛT 2023
Année A
"La Transfiguration" (Mt 17, 1-9)
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Pierre, Jacques et Jean ne s’y attendaient certainement pas. De voir leur maître, si « comme tout le monde », si simple et si soudainement « transfiguré, le visage devenu brillant comme le soleil, les vêtements éblouissants de lumière. » On a du mal à se l’imaginer. Transfiguré, ce qui veut dire irradié comme d’une lumière venant de l’intérieur. Les témoins proches de Bernadette à Massabielle ont raconté : « Lorsque la vision se montre, Bernadette entre en extase, les yeux fixes et un peu voilés, le visage rose ou blanc mais d’une grâce qui charme tous les spectateurs. » Les disciples sont au troisième ciel et voudraient bien y rester : « Je vais dresser ici trois tentes, une pour Moïse, une pour Elie, et une pour toi » s’exclame Pierre. Qu’as donc voulu leur signifier Jésus ? Pourquoi faut-il l’écouter, apprendre à faire comme lui ?
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La suite du récit nous le dit. Après leur être apparu, tellement hors du temps, hors du monde, Jésus les fait redescendre sur terre : « Ne dites à personne de ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts ». Un autre évangéliste, Marc, ajoute : « Ils observèrent cet ordre, tout en se demandant ce qu’il entendait par "ressusciter d’entre les morts " ». Le troisième évangéliste, Luc va plus loin encore en écrivant que » Moïse et Elie, s’entretenaient avec lui et parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem ». Après l’avoir vu « transfiguré », ces mêmes disciples seront conviés au jardin de Gethsémani et le verront prostré à terre. Au lieu de ce visage de lumière au mont Tabor, sur une autre colline, le Golgotha, ils verront un homme défiguré ; au lieu d’habits éclatants de blancheur, ils lui verront un vêtement pourpre qui finalement lui sera arraché et le laissera nu, infamante injure. Comment écouter encore cet homme sans voix sinon celle de la souffrance ? Comment peut-on suivre cet homme cloué sur une croix ? Comment cet homme abandonné à la vindicte populaire pourrait-il être le « Fils bien-aimé du Père, toute sa joie » ? C’était inimaginable. Pierre qui rêvait de construire trois tentes, dans ces moments de bonheur, le reniera en quittant le feu de la cour du grand prêtre. Mais viendra le matin de Pâques. C’est à ce moment là que les disciples comprirent qu’ils avaient assisté au mont Tabor à une anticipation de la résurrection. Un signe d’espérance au temps proche de l’épreuve leur avait été donné mais ils ne l’ont pas vu.
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Dans nos domaines d’activité, nous connaissons, nous aussi, des périodes de réussite, de bonheur et nous souhaitons y demeurer. « Pourvu que cela dure ! » Mais la réalité est autre et des épreuves viennent démolir nos rêves. Les exemples ne sont pas rares. Une entreprise florissante d’abord va devoir fermer et mettre au chômage les ouvriers, les ouvrières qui s’en croyaient à l’abri. Une famille unie, heureuse, et des enfants comme bonheur et voilà la séparation, le divorce ou le deuil. Il en est ainsi également dans le domaine de notre foi. Après des moments d’intense émotion, on peut passer au doute, à l’inquiétude, à la perte de tout enthousiasme. Il nous faut redescendre de la montagne et faire face à d’autres réalités plus terre à terre.
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C’est là que Jésus se tient au milieu de nous. Toute épreuve lourde écrase et se laisser écraser fait mourir. Jésus nous invite au contraire à vivre. Regarder le Christ, l’écouter, c’est mettre dans notre vie une nouvelle manière de voir les choses, une nouvelle manière d’agir. Voir au-delà des apparences pour les « trans-figurer », nous les figurer autrement. Tomber gravement malade avec un avenir incertain, peut-être en chaise roulante, vivre un deuil peuvent conduire à se refermer sur soi. Cependant notre épreuve peut nous permettre de mieux partager celle de l’autre. On ne la voit pas de la même manière lorsqu’on en est à l’extérieur. La compassion prend une profondeur silencieuse qui n’a pas besoin de paroles. Elle devient alors communion. Elle transfigure alors notre manière de voir les événements de la vie, nous fait entrer dans celle que le Christ a pour nous. L’écouter comme y invite une voix venue d’en haut n’est plus une affaire d’oreilles mais de cœur. Bernadette fut surprise d’apprendre que personne ne voyait, n’entendait ce qu’elle voyait et entendait. Elle dira plus tard : « Il semble que le son ne passe pas par les oreilles mais par ici » en portant la main à son cœur »
Méditation
Quel bonheur, quelle indicible joie, Seigneur
Ont-ils partagé les disciples ce jour de splendeur
Où, sur la montagne, tu les as fait monter
Et vu ton visage divinement transfiguré.
C’est que de la lumière du Père tu étais habité
Pour t’être mis sans condition sous son regard
En acceptant de passer par tous les chemins
Que, par toi, il voulait d’abord nous montrer.
Aujourd’hui transfiguré, demain défiguré,
Aujourd’hui acclamé, demain rejeté,
Hier tant recherché à cause de ta bonté,
Demain abandonné de tous sur un gibet.
Seigneur, que tes chemins sont difficiles à suivre
Nous aurions aimé moins de meurtrissures
Mais tu as voulu nous montrer le comment vivre
Lorsque viendront les épreuves qui défigurent
Faire silence, laisser les mots se taire
Se mettre simplement sous le regard du Père
Pour que sa lumière nous transfigure
Lorsque viendra le temps des blessures.
DIMANCHE 13 AOÛT 2023
Année A
"Marche sur les eaux"
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« Si tu veux vivre quelque chose d’extraordinaire, prends le risque de la foi ». Ainsi s’exprimait un penseur chrétien. On ne peut trouver meilleure illustration que celui du récit de ce jour. Nous savons bien que, si nous voulons marcher, avancer en mettant un pas devant l’autre, il nous faut une terre ferme, et non du sable fuyant et encore moins de l’eau. Or mettre sa foi en Jésus, croire qu’il est l’envoyé, le Fils de Dieu, qu’il est bien vivant et présent à nos côtés, comme il l’a dit, et qu’une vie au-delà de la vie nous attend, ce sont autant de pas que l’on ne peut faire qu’à condition de passer par-dessus toutes les assurances que nous souhaitons donner à notre marche
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C’est de cela qu’il est question dans ce récit hautement symbolique qui semble défier les lois de la physique. Matthieu, dans son Évangile, s'adresse à une communauté bien précise aux environs des années 80, une cinquantaine d'années après la mort et la résurrection de Jésus. Ces premiers chrétiens, issus pour la plupart du milieu juif, ont été pris à parti par les autorités religieuses juives. Une assemblée de pharisiens juifs, réunis à Jamnia en 85, inscrivit dans la prière à faire quotidiennement une malédiction à leur encontre Par ailleurs ont débuté les persécutions de la part des autorités romaines pour qui n’accepte pas de rendre un culte divin à l’empereur. Enfin, l'évangélisation semble marquer le pas. Ces chrétiens se disent : le Christ, dont on attendait le retour imminent, tarde à venir. On croyait que tout devait aller très vite, que les peuples se convertiraient facilement, que le Règne de Dieu allait surgir et tout bouleverser. Mais rien ne change ! Ils sont en proie au doute.
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Ce récit de Mathieu veut y répondre. Jésus appela ses premiers disciples, des pêcheurs du lac, à monter dans sa barque. Elle devint vite le symbole de l’Eglise naissante avec Pierre à la proue. Ils connaissaient tous l’insécurité de cette mer, ses vents contraires, ses tempêtes. L’évangéliste y trouva donc facilement les images des sentiments de ces chrétiens en proie au doute. Jésus n’était-il pas un fantôme, une illusion, un rêve utopique et eux des navigateurs en sens contraires ? Pierre est de ceux-là. Mais parce qu’il est le premier des disciples, parce qu’il a la responsabilité de ses frères dans la foi, il entend prendre une assurance et demande l’impossible : « Seigneur, si c’est bien toi…. ». Il l’aura mais à une condition : qu’il ne cesse de regarder Jésus. Mais dès qu’il ne considère plus que les difficultés, le vent de la tempête, ses propres forces, il commence à sombrer. « Seigneur, sauve-moi. » C’est en regardant à nouveau son Seigneur, que celui-ci peut lui prendre la main et remonter dans la barque à ses côtés. Lui, Pierre le pêcheur expérimenté du lac, sauvé de la noyade ! De la même manière que lui, le disciple le plus enthousiaste, sera sauvé de son reniement par le regard de Jésus sortant du prétoire. Et dès lors que le Seigneur fut avec eux, le vent contraire tomba.
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On ne peut être plus clair. Et les paroles de Jésus sonnent fort : « Confiance, c’est moi…n’ayez pas peur ». Elles ont été reprises par Jean-Paul II au début de son pontificat, parce la barque de l’Eglise rencontre et rencontrera toujours des vents contraires. Cela fait partie de son histoire comme le doute fait partie de l’histoire de tout croyant. « Qui n’a jamais douté ne sait pas ce que veut dire croire ». En particulier lorsque des épreuves viennent contrer notre bonne santé, celle de nos proches et nous font perdre pied. C’est alors qu’il faut nous rendre solidaires de tous ceux et celles qui sont dans la même barque. Et tout particulièrement celle du Christ qui lui aussi y monta, cria au secours. Le regard vers son Père le sauva de la noyade dans la déréliction. En entrant dans le cortège des souffrants, rappelons-nous qu’à sa tête marche le Christ. C’est en le regardant que Pierre fut sauvé de la noyade.
Sauve nous de nous-mêmes et de toutes les tempêtes qui peuvent nous faire perdre pied. Prends nous la main comme tu as prise celle de Pierre.
DIMANCHE 20 AOÛT 2023
Année A
"La cananéenne"
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L’épisode est surprenant. Hors du territoire juif, dans le pays des « cananéens » que les juifs appelaient celui des « chiens », une femme, une païenne vient demander, à grands cris, la guérison de sa fille. Au point d’agacer les disciples : « Renvoie-là, car elle nous poursuit de ses cris », ce que Jésus refuse. Il refuse avec des mots inattendus de sa part : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël ». Alors qu’il est là dans le pays des païens ! Cette femme insiste et s’entend répondre : « il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ! ». Mais elle persiste : « Oui, Seigneur, mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ! » Ce qui provoque l’admiration de Jésus : « Femme grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux. »
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Cet épisode rappelle celui de cet homme venu demander du pain son voisin qui ne veut pas être dérangé au milieu de la nuit. Son insistance finit par l’obtenir. Jésus conclue alors : « Eh bien, moi je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira. » Cette cananéenne est à la porte et veut qu’on lui ouvre. Elle ne fait pas sa demande du bout des lèvres. Elle met toute son énergie, tout son cœur dans la cause de sa fille. Elle ne se laisse pas rebuter par ce qui semble un refus et avec humour elle réitère sa prière, se jette aux pieds de Jésus. Il ne fut ni sourd à sa prière, ni insensible à sa peine. Mais il laissa le temps à cette femme de faire monter en elle la confiance.
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L’efficacité de la prière a toujours interrogé les croyants. Job, cette figure du juste de la tradition juive, n’a cessé de se plaindre et mettre Dieu en jugement parce qu’il avait perdu tout ce qui faisait son bonheur : biens, enfants, santé. Des chrétiens déçus abandonnent. « Pourquoi moi ? » est une question qui enferme. Cette cananéenne a prié, non pas pour elle, mais pour sa fille tout comme cet homme de la parabole pour donner du pain à son ami arrivé à l’improviste. Nous sommes invités à regarder plus loin que nous, autour de nous. La solidarité s’apprend dans la communion de sentiments et de comportements tout particulièrement dans les moments difficiles vécus tout autour de nous. Plus de 40 versets des écrits évangéliques et apostoliques détaillent tous les comportements à mettre à mettre en œuvre pour vivre le commandement phare de Jésus : « aimez-vous les uns les autres. » Le temps de la prière est un temps de prise de conscience de notre devoir de solidarité. Les événements souvent nous dépassent et nous ignorons où ils nous conduiront. Le Christ n’a pas choisi la souffrance mais il a compris qu’il faisait la volonté de son Père en acceptant de montrer jusqu’où l’amour pouvait aller. Le Père dominicain Garrigou-Lagrange eut cette belle formule : « Il faut désirer ce que Dieu veut pour nous comme il le veut. »
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L’auteur Saint-Exupéry a écrit : « La grandeur de la prière réside d’abord en ce qu’il n’y est point répondu…. Ce qui importe, ce n’est pas d’arriver mais d’aller vers. » Il veut signifier que ce qui importe, ce n’est pas d’obtenir mais de continuer le dialogue avec le Seigneur. Il nous permet d’échapper au silence que risque de produire la satisfaction de la prière exaucée. La prière comprise ainsi est de l’Espérance en marche vers un futur qui ne finit pas de nous attirer et qui permet d’avancer sans se décourager.
Prière de St Thomas d’Aquin (1225-1274)
Accordez-moi, Dieu miséricordieux, de désirer ardemment ce qui vous plaît, de le rechercher prudemment, de le reconnaître véritablement et de l'accomplir parfaitement, à la louange et à la gloire de votre nom. Mettez de l'ordre en ma vie, accordez-moi de savoir ce que vous voulez que je fasse, donnez-moi de l'accomplir comme il faut.
Que j'aille vers vous, Seigneur, par un chemin sûr, droit, agréable et menant au terme, qui ne s'égare pas entre les prospérités et les adversités, tellement que je vous rende grâces dans les prospérités, et que je garde la patience dans les adversités, ne me laissant ni exalter par les premières, ni déprimer par les secondes.
Accordez-moi, Seigneur mon Dieu, une intelligence qui vous connaisse, un empressement qui vous cherche, une sagesse qui vous trouve, une vie qui vous plaise, une persévérance qui vous attende avec confiance, et une confiance qui vous embrasse à la fin.
DIMANCHE 27 AOÛT 2023
Année A
"C'est par l'amour dont nous aimons le Christ que nous orientons en même temps nos oeuvres vers nos frères" (Karl Marx dans sa jeunesse)
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« Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? » Jésus savait pourtant bien que les uns le regardaient comme un guérisseur et n’attendaient de lui rien d’autre qu’un soulagement à leurs maux, que d’autres le considéraient comme un doux rêveur itinérant, que d’autres enfin le trouvaient dérangeant, inquiétant même parce qu’il interprétait la Loi de Moïse d’une façon si personnelle qu’on estimait qu’il leur changeait la religion. A vrai dire, la vraie question aux disciples n’était pas là ; elle en annonçait une autre : « Et vous, que dites-vous ? » « Pour vous qui suis-je ? Ce « pour vous » entend sonder leurs motivations personnelles.
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On ne sait rien de ce qui a motivé les apôtres lorsqu’ils ont répondu instantanément à son appel. Trop tôt pour y avoir vu le Messie. Mais ce qu’il disait était tellement différent de qu’ils avaient entendu dans leurs synagogues. A le voir montrer aussi tant de compassion à cette veuve qui venait de perdre son fils unique ou à ces malades qui souffraient de leur mal. La voix était douce, les gestes pleins de tendresse et délicates ses attentions. On ne peut pas ne pas s’attacher à une personne pareille. Mais il était aussi très controversé par les scribes et rabbins, les gardiens de la pratique religieuse juive. Jésus trainât derrière lui la question : « Qui est cet homme ? » Il a dû sentir cette tension. La question qu’il pose à ses disciples en est la conséquence. Ils doivent choisir.
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La réponse de Pierre est à deux temps. La première, « Tu es le Messie ! », répond à l’attente très répandue de la venue d’un homme, un « Envoyé de Dieu », qui libérerait Israël et rassemblerait sous son nom tous les peuples de la terre. On pensait au retour du prophète Elie que son disciple Elisée avait vu être emporté au ciel sur un char de feu. Par ailleurs aucun croyant juif ne pouvait imaginer que Dieu avait un Fils. Dieu est unique est la base du credo juif que Jésus partageait. Il fallut Pâques pour que les disciples fassent le grand pas et disent avoir vu le visage de Dieu, et les évangélistes mirent par écrit dans les années 70 : « Tu es le Messie, le Fils de Dieu ». Ces paroles au contenu insondable disent la foi des premiers chrétiens en ce Fils de l’homme qui, contre toutes apparences, contre toute raison, est aussi le Fils du Dieu vivant. La religion chrétienne est vraiment la plus « mystérieuse » des religions qui soit.
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C’est à chacun de nous que Jésus pose la question : « Pour toi, qui suis-je ? » Il ne demande certainement pas de lui donner un titre sous lequel il faudrait l’adorer. D’adorer, Jésus n’en parle d’ailleurs qu’une seule fois. Lorsque la Samaritaine lui demande dans quel temple il fallait adorer Dieu, celui de Jérusalem ou de Samarie, Jésus répond : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père… Dieu est esprit et c’est pourquoi ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et en vérité. » Jésus n’a jamais demandé d’être adoré. Ce qu’il demande est tout entièrement enfermé dans sa dernière question au même premier des apôtres : « Pierre m’aimes-tu ? » Entendons le bien ! « Moi, je suis avec toi, mais toi, es-tu avec moi ? Je sais bien que tu es très occupé par tout ce que vivre sur terre demande, impose. Je l’ai vécu moi-même. Justement pour qu’on ne dise pas que je parle de ce que j’ignore. Bien sûr je ne demande pas de penser à moi tout le temps. Mais décide de sortir un peu du vacarme de tes occupations, fait taire pendant quelques minutes le bruit du monde. Dans ce silence seulement, nous pourrons parler ensemble. Prends-en le temps ; tu ne le regretteras pas. »
« Le Père n’a dit qu’une parole : ce fut son Fils. Et dans un silence éternel il la dit toujours : l’âme doit l’écouter en silence » St Jean de la Croix.
Choisir
Chaque jour, Seigneur, j’ai le devoir de choisir.
Choisir d’être vrai sans dissimulation
Ou chercher à paraître bien meilleur que de raison.
Choisir de donner autour de moi plus de joie
Ou de marcher sans rien voir droit devant moi
Choisir de pardonner sans restriction
Ou de me perdre dans de douloureuses ruminations
Choisir d’aller voir un ami dépressif ou malade
Ou trouver quelque raison pour une échappade.
Mais tu le sais souvent je ne choisis pas moi-même.
Ce que les autres font me sert trop souvent de barème
Je me laisse conduire là où tout le monde va
Sans même savoir ce qu’on y fera.
Je finis par penser ce que l’on pense autour de moi,
Sans crainte de passer pour un homme de peu de poids.
Donne-moi de distinguer l’essentiel du futile
Pour ne pas me perdre en tâches inutiles.
Donne-moi Seigneur de savoir choisir
Sans contrainte imposée, sans faiblir,
Le chemin qu’à ma place tu prendrais
Et qui sans crainte vers le Père me conduirait.
Donne-moi Seigneur de savoir toujours Te choisir
DIMANCHE 10 SEPTEMBRE 2023
Année A
"Nul ne peut te léser si tu ne le veux point, car tu ne seras lésé que si tu juges qu'on te lèse" (Epictète 50-130)
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« Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Eglise ; s’il refuse encore d’écouter l’Eglise, considère-le comme un païen ou un publicain. » Telle est la procédure mise en place dans les jeunes communautés chrétiennes des années 70 pour régler leurs différends. Il y en eut comme celui qui opposait les tenants de Paul et ceux d’Apollos, prédicateur que certains chrétiens d’Ephèse jugeaient plus talentueux.
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Ce qui frappe dès l’abord dans cette procédure appelée « correction fraternelle », ce sont les étapes par lesquelles elle demande de passer : seul à seul à seul d’abord, avec des témoins ensuite, la communauté enfin. En cas d’échec il faudra considérer que le coupable n’a pas encore assimilé les conditions d’une vie fraternelle de la communauté, sans le condamner pour autant. La médiation au lieu de l’affrontement en est le premier enseignement. Elle commence tout de même, singulièrement, par la demander à l’offensé d’aller vers son offenseur. Ce n’est pas dans l’ordre de nos manières. N’est-ce pas à l’offenseur de faire le premier pas ? En toute justice. Mais pour Jésus ce n’est pas une option. Il le redira : « Quand donc tu vas présenter ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande. » Aux antipodes de la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent. Un dessin humoristique paru dans une revue paroissiale montrait deux femmes discuter à la sortie de la messe. L’une disait à l’autre : « Pendant la messe, tous frères ; après la messe, même plus cousins ! »
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Jésus est exigeant. Ce n’est pas le doux rêveur à la tolérance attrayante, ni celui de la résignation comme le pensait Karl Marx. Il appelle à un combat : « N’allez pas croire que je suis venu apporter la paix sur la terre …mais le glaive. » Toute sa vie publique en fut un. Notre vie intérieure en est aussi le terrain. « Le Royaume de Dieu est annoncé mais c’est par la porte étroite et par la force que l’on peut y entrer. »
Une légende amérindienne raconte. « Un soir, un vieil indien Cherokee raconta à son petit-fils l’histoire de la bataille intérieure qui existe en chacun de nous. Il lui parla ainsi : Mon fils, il y a une bataille entre deux loups à l’intérieur de nous tous.
L’un est mauvais : c’est la colère, la haine, la méchanceté, la brutalité, l’indifférence, la jalousie, la tristesse, la peur, l’avidité, l’arrogance, le mensonge et l’égo.
L’autre est bon : c’est la joie, la paix, l’amour, le courage, la bravoure, la gratitude, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la patience et l’humilité.
Le petit fils songea à cette histoire pendant un instant, puis demanda à son grand-père : « Lequel des deux loups gagne ? »
Le vieux Cherokee répondit simplement : « Celui que tu nourris. »
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Mettre en pratique ce commandement nous est difficile. Offensés, nous sommes naturellement plus enclins à la riposte verbale, à la prise de distances avec notre offenseur qu’au dialogue. Que faire alors pour se rapprocher du Christ ? Lui-même fut traité de faux prophète, de glouton, d’ivrogne. Il fut chassé sans ménagement de la synagogue de Nazareth par ses propres concitoyens. Il en fut peiné. Mais son attitude et son message ne changèrent point : « Moi, je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. » Ce qu’il faisait lui-même. Si nous ne pouvons le faire de par nous-mêmes, faisons-le avec et par lui !
Médisance
J’ai bien du mal, Seigneur, à m’arracher
De ces ronces, de ces épines envahissantes
Que sont mes paroles et pensées médisantes
Qui font de moi le prisonnier de ma fierté.
Cette envie de critiquer ce qui n’est pas moi,
Cette voix qui me dit que j’ai la vérité
Et mésestimer la conduite et les choix
De celui que je me garde bien d’écouter.
Aimez-vous les uns autres, fut ton dernier cri.
J’y reste sourd, tant j’ai de partis pris
Envers ceux qui ne sont pas de ma culture
Et dont je doute intérieurement de leur droiture
C’en est assez, Seigneur, j’en appelle à Toi.
Lorsque j’en serai victime, rappelle-moi,
Que le dialogue fraternel ne va pas sans l’humilité
Qui fait accepter d’être à son tour mal jugé.
DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2023
Année A
"J'admire que les sculpteurs mettent tout leur art à faire ressembler des pierres à des hommes et que tant d'hommes ne fassent aucun effort pour ne pas ressembler à des pierres" (Socrate).
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La parabole du débiteur ingrat et impitoyable se termine par un jugement sans appel : « Serviteur mauvais ! Je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait remboursé toute sa dette. » Il devait 10 000 talents soit l’équivalent de plusieurs siècles de travail pour un ouvrier rémunéré un denier par jour à l’époque. La disproportion des dettes est voulue. Elle veut mettre en relief l’immensité de la miséricorde de Dieu, parce que c’est lui ce maître de la parabole, en face de la pauvreté de la nôtre. Ce débiteur n’a pas su apprécier ce don divin et n’a pas consenti à l’imiter. Il n’a seulement manqué de reconnaissance mais n’a pas voulu prendre cette miséricorde en exemple pour accorder la sienne.
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La miséricorde de Dieu est un des thèmes favoris de Jésus. Il appelle à regarder très haut : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Il fait pleuvoir sur les justes et les injustes. » Luc la met au premier rang de l’enseignement et des comportements de Jésus. Six autres paraboles en attestent. Nommément comme celle du bon samaritain, du père et des deux fils, de la brebis perdue. Et à contre-pied, celle du riche et de Lazare, des deux hommes en prière au Temple. Lui-même en fut le porteur lorsqu’il accueillit la pécheresse en larmes, lorsqu’il demanda à Zachée le publicain de demeurer chez lui. L’évangéliste Matthieu en fait le critère de jugement dernier.
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Ce débiteur impitoyable pour celui qui lui devait comparativement si peu fut d’abord un ingrat. Il ne sut pas apprécier le don qui lui fut accordé et a manqué de reconnaissance envers ce maître. Il lui a demandé du temps pour le rembourser et reçu en échange sa compassion qui, elle, venait du cœur et d’aucune autre attente. Savoir dire merci est la première marche à gravir pour s’approcher de Jésus. Ce qu’il fit lui-même pour ceux qui lui avaient fait le meilleur accueil : « Je te loue, Père, d’avoir révélé cela aux tout petits ». Il l’attendait des dix lépreux guéris mais un seul est revenu et c’était un samaritain. Il obligea Simon, ce pharisien qui l’avait invité à sa table et s’offusquait du pardon accordé à la pécheresse repentante, à le reconnaître : « Un créancier avait deux débiteurs ; l’un lui devait 500 derniers, l’autre 50. Comme ils n’avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce de leur dette à tous deux. Lequel des deux l’aimera le plus ? Simon répondit : Je pense que c’est celui auquel il a fait grâce de la plus grande dette. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. » Nous sommes, nous aussi, concernés. Nous attendons toujours beaucoup de mercis des autres et ne savons pas en dire. Tout particulièrement aux personnes qui se mettent à notre service comme les soignants entre autres. Penser qu’ils sont payés pour est un profond manque de discernement et une injure à leur dévouement.
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Ce débiteur impitoyable et ingrat fut aussi d’une grande dureté de cœur. Il ne sut pas ou ne voulut pas prendre exemple sur la conduite de son maître. En condamnant son débiteur de cent talents à la prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé sa dette, il en prend le contre-pied. Ce qui lui valut condamnation. Un fabliau du Moyen Age en illustre à sa manière. Pour se défaire d’un aïeul devenu encombrant, un couple ordonne à leur fils d’aller prendre la couverture du cheval pour ne pas le laisser partir sans rien pour se couvrir. Le fils revient avec la moitié de la couverture qu’il avait coupée. A ses parents qui s’en offusquent et lui en demandent la raison, il répond : « L’autre moitié je la réserve pour vous ! » N'attendons pas de devoir recourir au dévouement des autres pour mettre le nôtre en service. On fera bien de se rappeler souvent la parole d’un pape du 6ème siècle, Grégoire le Grand : « Quand on ne fait pas ce qu’il faut quand on le peut, il arrive qu’on ne puisse plus le faire quand on le veut ». Sans oublier celle d’Alphonse de Liguori : « Faites le bon propos de vivre ce jour comme si c’était le dernier de votre vie. » Non pas en dans l’angoisse mais pour voir et vivre autrement le présent. Je le commencerai chaque matin en te disant MERCI !
Seigneur
Je suis en grand manque de reconnaissance
Pour ta présence au milieu de tous mes oublis
Aujourd’hui je veux te dire un infini merci
Sans commune mesure avec ta bienveillance.
En manque de reconnaissance pour ceux
Qui me donnèrent le meilleur d’eux-mêmes
Et que je ne reconnus qu’à leur départ
Seigneur, dis-leur merci de ma part
En manque de reconnaissance pour la beauté
De ta création, livre ouvert par ta générosité
Pour, qu’avec François d’Assise, ma louange
S’élève et se joigne aux chœurs des Anges.
Que la fleur des champs et l’oiseau du ciel
Qui te disent merci d’être de tes merveilles,
Me sortent des chemins de l’indifférence
Et me fassent chanter la reconnaissance.
DIMANCHE 1ER OCTOBRE 2023
Année A
"C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches." (Victor Hugo)
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Des deux fils, l’un qui promet d’aller travailler à la vigne et qui n’y va pas, l’autre qui refuse d’abord mais se repent et y va, « lequel a fait la volonté du père ? » demande Jésus. Le choix est d’une telle évidence, que l’on se demande pourquoi Jésus a mis ses auditeurs, les grands prêtres et les anciens du peuple, devant pareille question. Ils étaient de l’aristocratie sacerdotale du Temple, appelés « sadducéens », du nom de Sadoq, grand prêtre du Temple de Salomon détruit lors de la conquête du pays par Nabuchodonosor en 586 av. J-C. Ils se disaient les garants de l’orthodoxie de la foi juive contenue dans les cinq premiers livres, la Torah. Ils niaient la résurrection des morts parce qu’elle n’y était pas inscrite. A la suite de l’intervention assez violente de Jésus au Temple, ils furent, à l’instigation du grand prêtre Caïphe, ses accusateurs devant Pilate.
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La suite du récit permet de situer le motif de la question. Jésus leur reproche de ne pas avoir « cru en la parole » de Jean le Baptiste alors que des publicains et des prostituées l’ont fait. Cette parole de Jean Baptiste le concernait directement, lui Jésus, qu’il désignait à ses disciple : « Voici celui qui enlève le péché du monde….suivez-le. » Or justement, Jésus fait bon accueil aux publicains et aux prostituées, les porteurs des péchés les plus intolérables aux yeux des chefs de la religion. En ajoutant aux publicains les prostituées, Jésus dépasse toutes les bornes. Il ne légalise pas la prostitution mais sous-entend qu’il s’y trouva des prostituées qui lui firent meilleur accueil que les légalistes. Hors de la loi mais ouvertes à la foi.
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La pointe de la parabole est évidente. Elle vient confirmer le commandement répété de Jésus : « Ne jugez pas. » Il faut traduire par « Ne condamnez pas. » Nous sommes naturellement portés à juger, à comparer pour faire un choix, dire nos préférences. Mais trop de données nous échappent, comme le passé vécu, l’éducation, le milieu culturel, pour évaluer justement le comportement de celui dont nous croyons à tort qu’il est notre semblable. Jésus nous a dit les comportements à prendre, la manière de voir les choses, dans le respect de l’autre, Il a condamné l’intolérance que l’on justifie par la religion, l’aveuglement qui ne voit pas la poutre dans son œil mais le brin de paille dans l’œil d’autrui. Mais il a laissé la porte ouverte au retour de l’enfant prodigue.
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En condamnant on prend le risque d’être condamné pour les mêmes motifs. L’apôtre Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : « Toi qui enseignes autrui, tu ne t’enseignes pas toi-même. Tu prêches de ne pas voler et tu voles ! Tu interdis l’adultère et tu commets l’adultère ! Tu mets ton orgueil dans la loi et tu déshonores Dieu en transgressant la loi ». « Tu déshonore Dieu ». Les mots sont forts. Cela fait mal de constater que les chrétiens l’ont fait des siècles durant, que des gens d’Eglise ont agi de même. Ils disent la fragilité de l’homme. La parabole nous invite à la reconnaître en chacun de nous et à la plus grande modestie. Tertullien, un Père de l’Eglise du 3ème siècle, a écrit : « On ne naît pas chrétien, on le devient ». On est sur ce que Charles Péguy appelle « le chemin du salut, le chemin charnel, le chemin raboteux du salut. » Rendons-nous plus attentifs.
Epitaphe ou ballade des pendus de François Villon (1431-1463)
Ecrite alors qu’il s’attendait à être pendu pour meurtre et cambriolages.
Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez pas vos cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres vous avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci.
Vous nous voyez attachés ici, cinq, six.
Quant à notre chair, que trop nous avons nourrie,
Elle est depuis longtemps dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre malheur, que personne ne se moque,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
MERCREDI 1ER NOVEMBRE 2023 / TOUSSAINT
Année A
"Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible" (St Exupery)
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« Jésus gravit la montagne. Il s’assit et ses disciples s’approchèrent de lui ». Dans les évangiles, les mots ont un sens plus profond que ce qu’ils décrivent. Il n’y a pas de montagne en Israël mais des collines. Montagne parce que ce qui va se dire viendra d’en haut, comme au temps de Moïse du haut du mont Sinaï. Jésus s’assit comme il était de coutume dans les synagogues pour donner un enseignement aux disciples, assemblés là un peu en contre bas. Et voici égrenées, l’une après l’autre, ces neuf paroles de béatitude, ces neuf paroles qui veulent dire du bonheur.
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Mais comment parler de bonheur à ces pécheurs du lac, à ces paysans de la plaine qui sont à la peine pour gagner leur vie mais aussi dans la crainte de l’occupant romain Pilate et son vassal Hérode, de Tibériade, à l’autre bout du lac. Ils étaient également soumis aux rançonnages des rebelles cachés dans grottes toutes proches du mont Abel. Aujourd’hui, peut-on parler de bonheur à toutes les victimes de ce Proche-Orient déchiré par les tensions entre communautés et en train de gangréner le monde entier. Peux-ton parler de bonheur aux victimes des guerres en Ukraine, au Soudain, et dans bien d’autres pays que les grandes puissances soutiennent plus qu’elles n’apaisent. Comment parler de bonheur à 30% de la population mondiale qui ne mange pas à sa faim. Qu’a donc voulu dire Jésus ?
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On comprend mieux si l’on se rend compte que Jésus parlait d’abord de ce qu’il a vécu, du comment il l’a vécu. Il n’a pas dit qu’il était heureux ce Lazare affamé mais malheureux celui qui ne le voyait pas à la porte de sa salle de fête. Il n’a pas dit qu’ils étaient ce paralysé guéri le jour du sabbat, cet aveugle assis au bord du chemin à Jéricho qu’on voulait faire taire, cette veuve qui portait son fils unique en terre, ces pestiférés mis à l’écart mais qu’ils étaient malheureux, à plaindre ceux qui ne leur portaient pas secours. Ce n’est pas les homme souffrants que Jésus loue mais il les invite à ne pas pleurer sur eux-mêmes et à y trouver du sens. Il fut de ceux-là et peut en parler en vérité. Parce que tel fut son bonheur. Son bonheur, à lui, aujourd’hui, c’est de nous voir en faire ce qu’il nous a montré.
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Ne pas rester indifférent, ne pas passer à côté sans voir que nous pouvons faire quelque chose. On se surprend bien des fois à dire ce que les autres doivent faire. « Il n’y a qu’à … » s’entend souvent dans nos médias. Nous ne pouvons pas changer le monde, nous le savons, mais nous pouvons changer quelque chose en nous. Une équipe du Brésil le formulait ainsi. « Dieu seul peut donner la foi, mais tu peux donner ton témoignage. Dieu seul peut donner l'espérance, mais tu peux rendre confiance à tes frères. Dieu seul peut donner l'amour, mais tu peux apprendre à l'autre à aimer. Dieu seul peut donner la paix, mais tu peux semer l'union. Dieu seul peut donner la force, mais tu peux soutenir un découragé. Dieu seul est le chemin, mais tu peux l'indiquer aux autres. Dieu seul est la lumière, tu peux la faire brûler aux yeux de tous. Dieu seul est la vie, mais tu peux rendre aux autres le désir de vivre. Dieu seul peut faire ce qui paraît impossible, mais tu pourras faire le possible. Dieu seul se suffit à lui-même, mais il préfère compter sur toi. »
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Seul l’exemple est entraînant. Edith Stein, cette juive non croyante, en fit l’expérience. Très profondément marquée par la mort au front, en 1917, de son ami le philosophe Adolf Reinach, elle fut témoin du rayonnement de la veuve de celui-ci, Anna, qui fut l'élément le plus déterminant de sa conversion comme elle l’a écrit : « La cause décisive de ma conversion au christianisme fut la manière dont mon amie accomplit par la force du mystère de la Croix le sacrifice qui lui était imposé par la mort de son mari. »
Prière à tous les saints (de Henri Godin, fondateur de la Joc)
Tous les saints et saintes inconnus qu’on ne fête qu’à la Toussaint,
Tous les saints martyrs d’autrefois, tous les saints martyrs d’aujourd’hui, en tout endroit du monde,
Tous les saints qui êtes au ciel pour avoir fait simplement, mais de tout votre cœur, votre labeur.
Tous les saints et saintes morts au champ d’honneur du travail,
Tous les saints et saintes qui êtes au ciel pour vous être aimés de tout cœur dans le mariage et pour avoir élevé une famille,
Tous les saints et saintes qui êtes au ciel pour avoir fait simplement, mais de tout votre cœur, votre ménage,
Tous les saints et saintes qui êtes au ciel pour avoir évité de vous faire remarquer et être restés simplement à votre place,
Tous les saints et saintes méconnus qu’on a méprisés ou accusés,
Tous les saints et saintes qui vous êtes ignorés,
Tous les saints et saintes que nous avons connus et qui avez vécu parmi nous,
Tous les saints et saintes qui savez les efforts qu’il faut faire pour sortir de l’ornière,
Tous les saints qui n’avez fait dans votre vie rien d’extraordinaire,
Mais qui avez mis dans chaque action tellement d’amour,
PRIEZ POUR NOUS !